mercredi 24 mars 2010

L'éthique de l'avocat

La communauté juridique de Québec était récemment conviée à un grand brassage d'idées sur la philosophie, l'éthique et le droit en interaction avec la profession d'avocat. Les organisateurs de ce séminaire, l'École du Barreau du Québec et la Société de philosophie du Québec, ont eu la bonne idée de réunir un philosophe, Daniel Veinstock, professeur et chercheur en éthique au département de philosophie de l'Université de Montréal, un juriste, Michel Proulx, juge à la Cour d'appel du Québec, qui auparavant a pratiqué le droit pénal pendant 25 ans, et un communicateur, Luc Lavoie, vice-président de la firme de communication National, pour favoriser le choc des idées. Lorsqu'on fait un sondage sur les professions estimées, les avocats apparaissent à la fin de la liste, pas très loin des politiciens. Or, dans les médias, les avocats se présentent souvent comme les défenseurs de la veuve et de l'orphelin. Les avocats vivent quotidiennement à l'intérieur de ce paradoxe. « Il y a, dans la littérature, deux positions sur l'éthique de la profession d'avocat : selon l'approche idéaliste, l'avocat devrait délaisser l'approche traditionnelle de combattant pour embrasser pleinement la moralité abstraite universelle; selon l'autre approche, plus positiviste, le rôle de l'avocat est essentiellement le rôle que l'institution lui dicte », de dire Daniel Veinstock. Comment concilier ces deux approches?

Dans le système judiciaire, l'avocat combat pour gagner la cause de son client. Quand on regarde les individus dans ce système, une chose frappe: les gens agissent de manière égoïste. Mais en regardant le système dans son ensemble, il ressort des débats judiciaires quelque chose de meilleur, une forme de justice. D'autres systèmes fonctionnent de manière semblable. Dans l'économie de marché, les gens d'affaires mettent sur le marché les produits les plus attrayants pour maximiser leurs profits et ces activités créent pour les consommateurs une abondance de produits. « Comment les avocats devraient se comporter dans un système basé sur l'adversariat? », de se demander Daniel Veinstack.

Il constate premièrement que la partialité de l'avocat fait partie inhérente de son rôle. Cette partialité est nécessaire parce que l'avocat a à présenter en termes juridiques la position la plus plausible permise par le droit du point de vue limité de son client. Il n'a pas à occuper une position qui embrasse toutes les perspectives pertinentes. Ce faisant, il usurperait le rôle du juge.

Deuxièmement, un système ne peut pas fonctionner dans un laisser-aller absolu. Pour qu'un système fonctionne, il y a certaines règles du jeu à établir. Par exemple, dans l'économie de marché on permet la compétition, mais pas la concurrence déloyale. Parmi les défauts qui lui semblent incompatibles avec le système d'adversariat, il y a l'instrumentalisation du droit. « Il faut éviter à tout prix que le droit, cet ensemble de lois, devienne un simple instru-ment permettant que la loi du plus fort se perpétue dans le domaine juridique », dit Daniel Veinstack. Instrumentaliser le droit c'est oublier que le droit a une fonction d'assurer l'équité en plus d'avoir à résoudre les conflits. Cette valeur ne peut être couchée dans un code de déontologie, à cause de l'imperfection des mots. Mais il s'agit d'un trait de caractère qu'on devrait inculquer aux avocats.

mardi 23 mars 2010

Droit et valeurs morales

Le droit est l'ensemble des règles et normes générales et impersonnelles qui attribuent prérogatives et droits aux personnes, et qui sont susceptibles d'une exécution contrainte institutionnalisée, notamment par l'intervention de la puissance publique, c'est-à-dire de l'État. La sanction attachée à la règle de droit est ce qui distingue cette dernière des autres règles, telles que les règles morales et de politesse. Le droit est également distinct de l'éthique dans le sens où il ne se prononce pas sur la valeur des actes, bien et mal, mais définit que ce qui est permis ou défendu par l'État dans une société donnée. En ce sens, le droit délimite l'autorisation donnée par le souverain d'agir sans crainte d'être poursuivi au code pénal.

L'étude du droit pose des questions récurrentes, quant à l'égalité, la justice, la sûreté. Selon Aristote, la règle de droit « est meilleure que celle de n'importe quel individu ». Anatole France écrit quant à lui, en 1894 : « La loi, dans un grand souci d'égalité, interdit aux riches comme aux pauvres de coucher sous les ponts, de mendier dans les rues et de voler du pain. ».

En première approche, le droit est un ensemble de règles destinées à organiser la vie en société. Le droit est alors vu sous l'angle de son objet : organiser la vie sociale. Elles sont donc formulées de manière générale et impersonnelle, sans concerner personne en particulier, mais en visant toutes les personnes qui forment le corps social. Cette vision du terme droit est qualifiée de droit objectif. On envisage la règle de droit en elle-même et pour elle-même.

Le droit objectif est l'ensemble des règles juridiques obligatoires applicables dans un pays. Ces règles sont établies par le pouvoir régulièrement en place dans le pays et sont destinées au maintien de l'ordre et de la sécurité, et par suite à « préserver les intérêts subjectifs légitimes et de réprimer les intérêts subjectifs illégitimes (Huguette Jones, 2002-03) ». On parle alors plus volontiers du Droit. Dans le droit français, comme dans beaucoup de droits romano-germaniques, on distingue le droit public et le droit privé. Cette distinction est moins présente au sein des systèmes juridiques anglo-saxons également nommés systèmes de common law.